En cette veille de rentrée scolaire, je décide d'écrire un article sur un livre qui m'a passionnée autant qu'il m'a touchée. Dans mon collège, avant les vacances, nous avons reçu Patrick Bard, auteur du roman Et mes yeux se sont fermés dans le cadres du FIG (Festival International de Géographie) qui se déroulait à Saint-Dié-des-Vosges.

          Dès que j'en ai eu l'occasion, j'ai pu emprunter ce roman et le dévorer pendant les vacances.


          Le thème évoqué est d'actualité puisqu'il est question d'une jeune fille qui part faire le djihad en Syrie... Malheureusement, ce fait d'actualité se reproduit trop souvent en Europe ces derniers mois. En tant que professeur et maman, je me sens concernée par cette dérive de notre société. 

          En effet, l'oeuvre est un roman choral, c'est-à-dire que l'on suit le destin de plusieurs personnages auxquels l'auteur donne la parole à tour de rôle. On rencontre donc Maëlle, notre jeune héroïque, qui nous évoque son départ en Syrie et les conditions de son retour en France. Cette jeune adolescente s'est mariée à une jeune homme prénommé Redouane en Syrie. De leur amour a été conçu un bébé puisqu'à son retour en France Maëlle est enceinte. Il est désormais incorrect d'appeler le personnage de Maëlle ainsi car, depuis son départ en Syrie, elle a changé d'identité et s'appelle Ayat. En effet, lors d'un embrigadement et d'un départ en Syrie, les individus changent leur prénom et opte pour une identité musulmane. Redouane et Ayat ont donc vécu un amour sincère au milieu des bombes, avant que Redouane ne meure lors de leur évasion en Syrie. 

          D'emblée, nous comprenons dès les premières pages que ce couple, mais également toutes les personnes qui partent vivre en Syrie, sont unis pour la vie. Ils vivent ensemble, ils partagent des convictions, ils sont enfermés dans un huis clos à ciel ouvert qu'est la Syrie, territoire de Daesh... Et cette union avec leurs frères et sœurs commence dès leur chambre d'adolescent...

            Maëlle réussit donc, tant bien que mal, à rentrer en France, mais sans Redouane, son mari et le père de son enfant... Commence alors la "vie" d'une jeune femme revenue du Shâm, c'est-à-dire de la Syrie. Entre prison, cellule de désembrigadement, retour à la maison, entretiens avec la police et Aïcha la jeune femme chargée de ramener Ayat à la réalité, on voit se découvrir le parcours difficile et poignant d'une mère de famille démunie face à la "crise" d'adolescence de sa fille. A plusieurs reprises, les propos de Ayat, anciennement Maëlle, blessent le coeur de cette mère courageuse qui aura tout fait pour permettre à sa fille de rentrer en France... Malheureusement, Maëlle n'est pas revenue : seule Ayat est là, accompagnée de ses lourdes valises contenant les durs souvenirs de la Syrie, de Daesh, des exécutions, des bombardements...

          Ce qui est d'autant plus émouvant dans le roman, c'est la découverte du point de vue de la jeune soeur de Maëlle, Jeanne. L'auteur lui donne également la parole, et cela nous permet d'observer à quel point les nouveaux embrigadés par Daesh via les réseaux sociaux, deviennent eux-mêmes et très rapidement des embrigadeurs à leur tour. Discrètement, ils expliquent aux jeunes qui les entourent, à leurs amis, que le gouvernement, l'Occident, le monde moderne nous gouvernent et nous manipulent... Ils énumèrent les diverses théories du complot qui circulent sur Internet ou dans les mémoires collectives comme preuve de leurs dires... Daesh se sert activement de ces multiples théories du complot pour convaincre, persuader que nous sommes dans un monde corrompu et que l'homme n'est qu'une marionnette manipulée par une poignée d'individus riches et puissants... Entre l'évocation des Illuminatis, du 11 Septembre 2001, des traces blanches des avions dans le ciel ou encore des produits chimiques injectés dans tous les aliments que nous consommons, Daesh sème petit à petit le doute dans la tête de ces adolescents en lutte contre l'injustice. Et quand le doute s'est installé, les jeunes adolescents sont prêts à partir se faire tuer sous les bombes syriennes pour "sauver le monde" et aider les enfants de Palestine... Pour vous renseigner sur les multiples théories du complot, je vous conseille une émission de radio de France Inter que vous pouvez réécoutez en podcast : GRAND BIEN VOUS FASSE : Est-il possible de lutter contre les théories du complot ?. De plus, il faut absolument vérifier toutes les informations sur des sites internet comme HaoxBuster ou HaoxKiller qui recensent les informations sur le net et qui les vérifient : cela va du simple virus aux théories conspirationnistes.

          Ayat n'est pas une exception : à plusieurs reprises, elle tente de persuader sa soeur de venir avec elle en Syrie...  On se rend bien compte, dans cet extrait, de la "folie" d'Ayat qui recherche le mal partout et qui est perpétuellement influencée par les théories du complot.

          Jeanne souhaite se documenter avant de partir. La cadette est en réalité plus mature et réfléchie que sa soeur aînée : elle fait confiance à sa soeur, mais elle cherche tout de même à trouver des réponses officielles à ses questions. Avec humour, elle nous donne son avis et les conclusions de ses recherches. Elle comprend que sa soeur n'est plus elle-même et qu'elle semble possédée par une force incontrôlable. Elle trouve ces djihadistes ridicules et ne comprend pas pourquoi et comment sa propre soeur s'associe à ces individus qui croient naïvement à des informations que l'on peut très rapidement détruire...

          Suite à sa conversion, Ayat décide de se rapprocher de Souad, la seule musulmane de sa classe. Etant dans une école privée catholique, on comprend tout de suite que Souad est musulmane mais qu'elle n'est pas une fervente pratiquante. Ses parents l'ont inscrite dans cette école pour qu'elle ait la meilleure éducation possible... Quelle ne fut pas sa surprise quand elle vit Maëlle s'asseoir à ses côtés et l'appeler "ma soeur"... Souad comprend rapidement que la conversion de Maëlle en Ayat est inhabituelle et qu'elle cache une radicalisation. Souad ne veut absolument pas donner de faux espoirs à Maëlle et elle finit par lui affirmer, en pleine rue, son amour pour sa religion et sa haine des islamistes radicaux. Souad prône son amour envers son pays et sa culture... Elle dit tout haut, à Ayat, ce que beaucoup pensent tout bas... On décèle une grande maturité à travers ses propos.

          En donnant la parole à une musulmane, l'auteur cherche à limiter les amalgames et à pacifier la relation entre les français musulmans et non-musulmans :

          Au fil des pages, on ressent la douleur de Céline, la mère de Maëlle qui tente de comprendre ce qu'il s'est passé dans sa vie... Elle exprime sa douleur, sa colère, son aversion envers toutes les religions, envers les dérives sectaires... Elle clame sa souffrance et sa culpabilité de n'avoir rien vu, comme bon nombre de parents dans cette même situation... Ce roman fait écho à un fabuleux film sorti en Octobre 2016 intitulé Le Ciel attendra de Marie-Castille Mention-Schaar. Ce film retrace l'histoire de trois parcours : le destin de deux filles radicalisées et souhaitant partir en Syrie, et le combat d'une mère prête à tout pour retrouver son enfant. Poignant, émouvant et bouleversant, ce film d'une grande réalité retrace parfaitement l'endoctrinement réalisé par des djihadistes sur les réseaux sociaux comme Facebook, Skype ou Twitter...  

Voici la bande annonce, mais vous pouvez consulter d'autres extraits sur le site d'Allociné :

Bande annonce de "Le Ciel attendra".

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